Taina Bofferding & Franz Fayot: “Pour une Université du Luxembourg autonome et participative”.

Le projet de loi n° 7132 est destiné à remplacer la loi du 12 août 2003 portant création de l’Université du Luxembourg.

C’est un acte législatif majeur de la plus haute importance pour l’avenir de l’Université. On peut raisonnablement prévoir qu’une fois adoptée, il n’y aura plus de sitôt de nouvelle loi, sous peine d’instabilité juridique qui serait dommageable à l’université. Raison de plus pour s’assurer que la nouvelle loi recueille un maximum d’approbation au-delà des clivages politiques, même si les avis des partis peuvent diverger sur des points de détail. Les socialistes, dans l’opposition en 2003, ont alors approuvé la loi portant création de l’Université, malgré de nombreuses critiques au projet de loi, parce qu’ils voulaient que le pays se donne enfin un enseignement supérieur digne de ce nom.

Nous en appelons au Gouvernement d’aujourd’hui de rechercher un large consensus des forces politiques pour cette nouvelle loi, non par intérêt politique, mais pour assurer le maximum de légitimité à l’université dans la société luxembourgeoise. D’où la nécessité d’un large débat public et d’un travail parlementaire intense avant le vote.

Nous ignorons quelles consultations le Gouvernement a eues avant le dépôt du projet de loi. Mais dès le dépôt, le débat public a commencé alors qu’il aurait été préférable de ne se fixer sur un texte qu’après avoir pris connaissance de tous les avis.

Le nœud central du débat concerne la gouvernance. Les décisions essentielles à l’Université du Luxembourg sont prises par le recteur et le Conseil de gouvernance, composé de représentants externes issus du monde économique et académique international. Ce conseil avait sa raison d’être en 2003 quand l’Université est née, mais quinze ans plus tard, l’Université existe, et il est difficile de concevoir qu’elle n’intervienne pas elle-même dans la gouvernance.

Or, le projet de loi déposé rend la gouvernance encore plus centralisée et plus autoritaire que la loi de 2003. La logique du «top down», cimentée par le projet de loi, contredit l’autonomie, critère essentiel de l’excellence, cruciale pour la qualité de l’université.

Le professeur Luc Heuschling, de la Faculté de droit, d’économie et de finance, a présenté le 15 novembre 2017 un avis personnel circonstancié, après des discussions avec des collègues de l’Université, avis très critique sur le renforcement des pouvoirs du Conseil de gouvernance tel que prévu par le projet de loi. Cet avis relève : « Si la société veut au maximum tirer profit de la capacité d’innovation de ses enseignants-chercheurs, elle doit leur reconnaître, par un acte de confiance et par intérêt mûrement réfléchi, l’autonomie en matière de recherche et d’enseignement et, plus généralement, un rôle (crucial, décisionnel) dans les choix stratégiques arrêtés au sein de l’université. » Et de conclure que les universitaires devraient être majoritaires au conseil de gouvernance.

Depuis le dépôt du projet de loi, il y a eu les avis des Chambres professionnelles. La Chambre des salariés a critiqué non le Conseil de gouvernance, mais l’exclusivité accordée au Gouvernement pour la nomination des membres. Elle a plaidé pour une représentation des professeurs, des étudiants et du monde économique, social et culturel dans ce conseil.

Le secrétaire central de l’OGBL pour l’enseignement supérieur et la recherche Frédéric Krier a plaidé pour « une cogestion démocratique » à l’Université du Luxembourg (Lëtzebuerger Land du 11 août 2017).

L’APUL, l’association des professeurs de l’Université du Luxembourg, lors d’une assemblée générale du 14 novembre 2017, a critiqué la concentration des pouvoirs entre les mains du recteur et du Conseil de gouvernance, le Conseil universitaire étant réduit à une simple chambre d’enregistrement.

Face à l’orientation du débat, le Gouvernement et en particulier le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ne pourront pas faire la sourde oreille.

Dans l’optique d’une croissance durable du Grand-Duché, fondée essentiellement sur la formation, l’Université du Luxembourg est appelée à jouer un rôle toujours plus fondamental. Le pays lui consacre un investissement annuel de plus de 200 millions d’euros. Avec le Fonds national de la recherche et les centres de recherche publics elle forme l’ossature des moyens d’enseignement supérieur et de recherche du pays. De son bon fonctionnement et de son dynamisme dépend aussi l’avenir de la société luxembourgeois par les analyses et solutions qu’elle peut proposer.

La nouvelle loi de l’Université n’est donc pas simplement technique. Elle relève aussi d’une vision politique tournée vers l’avenir du pays, vision faite de participation de la société civile et des principaux intéressés. Le Gouvernement a fait de la participation un élément central de sa démarche politique pour faire avancer des réformes nécessaires. Il serait étonnant que la logique participative, si hautement prônée par le Gouvernement, ne s’applique pas dans le cas de l’Université du Luxembourg.

Les socialistes sont demandeurs d’un large débat sur la gouvernance de l’Université du Luxembourg. Ils entendent tenir compte des demandes de la société civile et du monde académique pour renforcer l’autonomie de l’université. Ils soutiennent pleinement le Gouvernement dans sa démarche pour rechercher un large consensus politique afin d’assurer le développement harmonieux de l’université dans les années à venir.

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