Madame la Présidente,
En tant que membres socialistes de la Chambre des Députés du Grand-Duché de Luxembourg et membre socialiste luxembourgeois du Parlement européen, nous nous adressons à vous aujourd’hui pour exprimer notre profonde préoccupation concernant l’instauration et la pérennisation de contrôles aux frontières intérieures en Europe.
L’espace Schengen, symbole de l’intégration européenne et de la liberté de circulation pour des millions de citoyens, est soumis à des pressions croissantes. Ces dernières années, plusieurs États membres ont procédé à de nombreuses reprises à des contrôles dits « temporaires » aux frontières, conformément aux articles 25 à 28 du code frontières Schengen. Ces contrôles conduisent à une suspension de facto de la libre circulation des personnes. Rien qu’au cours des dix dernières années, il y a eu plus de 400 cas dans lesquels des États membres de l’espace Schengen ont introduit des contrôles aux frontières qui, selon les règles de Schengen, ne devraient s’appliquer que dans des cas absolument exceptionnels. Dans aucun de ces 400 cas, la Commission européenne n’a fait usage de son droit d’émettre un avis formel. Cela nous est incompréhensible.
Ces contrôles aux frontières représentent une charge importante, en particulier dans les régions dotées de fortes connexions transfrontalières, comme c’est le cas pour le Luxembourg que nous représentons en tant que députés. Ils entraînent de graves perturbations dans la vie quotidienne des travailleurs transfrontaliers, des élèves et étudiants, des voyageurs, des familles, du commerce, de l’économie et de la culture. Notamment les récentes réintroductions de contrôles aux frontières luxembourgeoises par l’Allemagne le 16 septembre 2024 et la France le 1er novembre 2024 menacent la liberté de circulation pour le Luxembourg, la Grande Région et l’espace Schengen dans son ensemble.
Depuis 2015, les contrôles temporaires aux frontières sont devenus pratique courante dans l’espace Schengen, et de surcroît ne prennent généralement pas fin après leur réintroduction, mais sont maintenus pour diverses raisons. Il convient toutefois de se demander dans quelle mesure les raisons factuelles requises par le code frontières Schengen sont réellement réunies pour agir de la sorte. La consolidation progressive impulsée par les États membres envoie un signal fatal : les contrôles aux frontières pourraient devenir la nouvelle norme. Cela contraste clairement avec l’idée fondamentale de l’espace Schengen et de la libre circulation des personnes en Europe.
Nous vous invitons, en tant que Présidente de la Commission européenne, à prendre une position décisive contre de tels développements. En tant que députés d’un petit pays fortement intégré dans la Grande Région, nous considérons qu’il est de notre devoir de souligner que ces contrôles aux frontières sont clairement contraires au droit européen. La liberté de voyager en Europe, pilier central de l’idée européenne, ne doit pas être remise en cause par les discours sécuritaires. La sécurité doit être au service de notre liberté et non l’inverse !
Nous vous appelons donc à renforcer fermement la Commission européenne dans sa mission de gardienne des traités et à rappeler aux États membres que les acquis de l’espace Schengen ne doivent pas être remis en cause. Nous attendons de vous et de la Commission européenne dans son ensemble un engagement clair en faveur de notre liberté de circulation et du retour à un espace Schengen qui ne nécessite pas de contrôles aux frontières.
Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’expression de notre haute considération.
Taina Bofferding, Yves Cruchten, Marc Angel, Dan Biancalana, Liz Braz, Francine Closener, Claire Delcourt, Mars Di Bartolomeo, Georges Engel, Franz Fayot, Claude Haagen, Paulette Lenert & Ben Polidori – Députés