Mars di Bartolomeo: “Plus d’Europe aux bons endroits: Pour un retour en force du social!”

Ce 25 mars, nous célébrons le 60ème anniversaire du Traité de Rome par lequel, après le Traité CECA en 1952, notre aventure commune a commencé.

Bien entendu, il y a beaucoup de raisons pour fêter, mais malheureusement aussi beaucoup trop de raisons pour être préoccupé. Or, comme je suis de nature optimiste et que je ne supporte plus le misérabilisme d’aucuns, je n’hésite pas à qualifier notre projet commun de « success story ».

En effet, après les chapitres les plus noirs de notre histoire, la construction de l’Union européenne nous a apporté un espace de paix, de démocratie, d’ouverture, de sécurité, de cohésion, d’inclusion, de stabilité, de droits et libertés fondamentales, de progrès économique et social. Peut-être notre plus grande erreur a été de laisser croire nos concitoyens, qui n’ont pas vécu les drames des années 30 et quarante, que tout cela est allé de soi.

Même si aujourd’hui, après des années de crise marquées par une austérité à sens unique, sévère, et même brutale, par des inégalités à l’intérieur des pays membres comme entre eux, par un ascenseur social en panne, un chômage terrible, l’Europe ne fait plus rêver, nous devons reconnaître que nous avons dépassé dans certains domaines les aspirations des pères fondateurs de l’UE.

Ils savaient ce qu’ils voulaient !

 

Rappelons-nous que les Schuman, De Gasperi, Monnet, Bech, Adenauer, Spaak, Mansholt, Spinelli, Beyen, s’étaient fixés comme objectif prioritaire, l’édifice d’un vaste espace de paix, de démocratie, de prospérité, par une coopération politique et économique.

Ces initiateurs du projet européen, dans un contexte politique fragile et contesté, savaient ce qu’ils voulaient. Ils ont fait preuve de courage et de combativité et nous devons en faire autant.

Nous aussi, nous devons savoir ce que nous voulons et remplacer les nombreux points d’interrogation par des points d’exclamation, bien choisis et en puisant dans notre histoire commune.

Oui, l’Europe ne peut et ne doit pas tout faire. Mais si nous réussissons à nous mettre d’accord sur les points que nous pouvons mieux réaliser ensemble que chacun pour soi, si nous parvenons à plus d’Europe, et à moins d’égoïsmes à bon escient et au bon endroit, nous réussirons de nouveau à enthousiasmer nos citoyens. L’idéal serait de le faire tous ensemble, mais si d’aucuns restent les deux pieds sur le frein, ou pire encore, ont embrayé la marche arrière, ceux qui veulent faire avancer notre projet doivent oser une échappée.

 

Où en serions-nous sans l’UE ?

 

Pour répondre à la question ce que l’UE nous a apporté depuis ses débuts, il nous suffit de revenir 60 ou même 75 années en arrière, pour voir où nous en serions sans l’Union.

Dans ce sens, j’ai lancé avec Laura Boldrini, la Présidente de la Chambre des Députés italienne, Norbert Lammert, le Président du Bundestag allemand, et Claude Bartolone, le Président de l’Assemblée nationale française, en septembre 2015, la déclaration de Rome, signée entretemps par 11 autres collègues présidents de parlements et partiellement soutenue par d’autres.

mars-di-bartolomeo_photo-interparliamentary-union-ipu

Nous pensons que la reconnexion avec les citoyens passe aussi et surtout par nos Parlements nationaux.

Au passage, j’aimerais souligner l’initiative de personnalités politiques européennes, qui s’engagent dans le projet CIVICO Europa à mobiliser nos citoyens, pour faire face ensemble aux défis qui nous guettent.

 

Pour le retour du social !

 

Je salue le livre blanc proposé par le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui nous encourage à faire face aux choix politiques nécessaires pour faire progresser notre projet européen.

Je me réjouis d’autant plus que le premier rapport qui sera présenté par la Commission dans le cadre du processus lancé par le livre blanc sera consacré aux questions sociales, en espérant que nous pourrons retrouver le juste équilibre entre les priorités économiques / financières et sociales.

J’espère que dans ce cadre nous trouverons la motivation pour protéger nos systèmes sociaux basés sur la solidarité au lieu de les sacrifier à des conceptions purement comptables, qui ont sévèrement touché les plus vulnérables de nos populations. N’est-ce pas indécent d’exiger de réduire encore plus des pensions de 500 €, comme cela se passe avec la Grèce ?

 

Ecoute, dialogue, patience et courage

 

D’autre part, à une époque où les marchands de la peur remettent en cause nos démocraties et parviennent à diviser l’Europe, où les « fake news » ne sont autre chose que des mensonges, nous devons répondre par un dialogue franc avec nos citoyens et de la patience, sachant que l’essence même du projet européen consiste à combattre l’exclusion et non pas à en produire.

Si nous voulons nous rapprocher de nos citoyens, pourquoi ne pas nous inspirer de bonnes pratiques qui font l’unanimité. Exemple : le projet Erasme qui, chaque année par des échanges d’étudiants des 28, fait entrer l’Union dans l’ADN de ceux-ci.

Pourquoi ne pas approfondir encore davantage cette dynamique à travers un Erasme du social, de la sécurité et d’autres ?

Et nous devons retrouver la fierté pour des réussites communes. Exemple : Airbus.

 

Défendons nos valeurs fondamentales !

 

C’est de cette conscience commune dont nous avons besoin pour maîtriser certains phénomènes comme celui des migrations de masse. Cela vaut aussi bien pour notre sécurité – qui ne doit pas se résumer à un dictat transatlantique des 2 % – que pour un développement plus durable et bien d’autres. Il est bien entendu qu’ensemble ne veut pas dire « one fits all ».

Finalement, face aux attaques multiples contre nos valeurs fondamentales tant à l’intérieur de l’UE qu’à nos frontières, nous devons être les vigies de la démocratie, de l’Etat de droit, de la liberté de la presse et d’expression. Surtout, nous ne devons pas tomber dans le piège des provocateurs clairement identifiés comme tels.

Nous avons donc tous un rôle à jouer pour dissiper le brouillard et les doutes qui entourent l’UE d’aujourd’hui.

Les 60 dernières années montrent que nous pouvons y arriver en contribuant à faire ce que l’UE sait faire le mieux : avancer et non pas reculer ; inclure et non pas exclure. Et si Altiero Spinelli pouvait se considérer comme « sage-femme » de l’UE, nous devons tout faire pour éviter de devenir les croque-morts de ce projet unique.

J’ai confiance en notre volonté politique et je suis convaincu, pour cette raison, que nous pouvons encore faire beaucoup plus ensemble.

 

Mars di Bartolomeo
Président de la Chambre des Députés

Facebook
Twitter